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III. En quoi n'était-elle pas légitime?

A. Une vision élargie de la « responsabilité de protéger »

     La légitimité de l'intervention en Libye a été remise en cause par le fait que la coalition a mené des actions allant au-delà de la protection des civils.
     La résolution 1973, fondée sur la légitimité internationale, autorise le recours à une force aérienne dans le but de faire respecter la « responsabilité de protéger ». Elle exclut cependant « toute force étrangère d'occupation ». Or les membres de la coalition internationale ont mené des attaques aériennes ou par missiles au-delà des « lignes de fronts » ou des zones de combat entre l'armée de Kadhafi et les rebelles. En fournissant le soutien aux rebelles, ces actions vont à l'encontre de la résolution 1973 du Conseil de sécurité et remet ainsi en cause la légitimité de l'intervention.
     Au début des opérations militaires, les troupes du colonel Kadhafi sont stoppées devant la ville de Benghazi. En effet, les frappes aériennes de la coalition internationale ont permis de limiter les capacités de forces kadhafistes, Cela a permis également d'éviter d'aggraver le massacr des civils. Nous sommes là dans la légitimité liée à la  « responsabilité de protéger » des populations civiles, prévue par le texte de la résolution 1973. Cependant ce texte ne prévoyait pas le renversement du régime libyen. C'est pourquoi les opérations visant le colonel Mouammar Kadhafi pour provoquer la chute de son gouvernement ne sont pas légales du point de vue de l'ONU.  Dans les semaines suivant le début de l'intervention, en allant au-delà de la protection des civils, les chefs des États membres de la coalition internationale ont affiché explicitement leur souhait de voir Kadhafi quitter le pouvoir. Dans une tribune commune des principaux chefs d'États de la coalition (Nicolas Sarkozy, Barack Obama, David Cameron), eux même assurent que « le but de l'opération menée en Libye n'est pas de renverser le colonel Kadhafi ». Toutefois, ils déclarent que les opérations continueront tant qu'il sera au pouvoir car selon eux les violences engendrées sur la population ne pourront cesser qu'avec son départ. Pour les membres de la coalition internationale, la chute du régime ne serait alors qu'un moyen pour arriver à la protection des civils et non l'objectif de l'intervention militaire. Mario Bettati, professeur de droit international, a dit « le but officiel de l'intervention est de retenir la main du bourreau, pas de l'expulser » mais les opérations menées ressemblent fortement à une intervention au delà des principes établis. Par exemple, à partir du mois de juin 2011, les Français décident d'envoyer des hélicoptères de combat, dans le but d'être plus proches du terrain. On assiste à la violation de l'exclusion de toute force étrangère d'occupation prescrite par la résolution 1973. De plus des armes ont été fournies à des rebelles ainsi que des tactiques de stratégie de guerre. «On sort alors du cadre de la "responsabilité de protéger", pour se rapprocher de l'intrusion dans un conflit interne » commente Mario Bettati.

 

 

Du principe de « responsabilité de protéger », on peut dire que l'intervention militaire a basculé dans l'ingérence en soutenant les rebelles et en aidant le renversement du gouvernement de Kadhafi.

    Ensuite, on peut parler d'une ingérence de nature judiciaire lorsqu'une intervention s'oppose à toute interférence dans les affaires intérieures de l'État. On remarque que la résolution 1973 imposait des mesures telles qu'un embargo (interdiction de la libre circulation) sur les exportations d'armement vers la Libye, des sanctions sévères à l'encontre du régime libyen (poursuite du dictateur devant la Cour pénale internationale), un gel des fonds et avoirs appartenant à Mouammar Kadhafi et à ses proches ou utilisés par ces derniers, ainsi qu'une interdiction de sortir du territoire pour le clan de Kadhafi. Ainsi, la France et les autres pays membres de la coalition se seraient servis de la « responsabilité de protéger » pour interférer dans les affaires intérieures libyennes. Mais peut-être fallait-il mettre fin à cette dictature ?
 

B. Un intérêt national ambiguë

 

     De plus, certains considèrent qu'au delà de l'intervention pour des raisons humanitaires, les Etats avaient également des intérêts strictement nationaux. Par exemple, certains considèrent que la France était motivée par le pétrole, comme a dit Mario Battati : « La responsabilité de protéger sent très fort le pétrole... ».

     Cependant, d' intérêts semblent motiver cette intervention. Ici, nous faisons allusion à l'affaire Sarkozy-Kadhafi. C'est une affaire politico-financière. En mars et avril 2012, deux documents relevés par Médiapart (journal en ligne), supposent qu'il aurait existé un versement de 50 millions d'euros de la part du régime libyen dans le but de financer la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007. Le montant officiel de sa campagne était de 20 millions d'euros, le dépasser aurait été  contraire aux règles d'une campagne présidentielle.
      Le 16 mars 2011, trois jours avant que l'armée française intervient en Libye, Saïf al-Islam Kadhafi, fils de Mouamar Kadhafi, demande dans un entretien accordé à la chaîne Euronews :

« que Sarkozy rende l'argent qu'il a accepté de la Libye pour financer sa campagne électorale. C'est nous qui avons financé sa campagne, et nous en avons la preuve. Nous sommes prêts à tout révéler […] Nous avons tous les détails, les comptes bancaires, les documents, et les opérations de transfert. Nous révélerons tout prochainement. ».

     Aujourd'hui rien ne confirme cette accusation mais les circonstances de la mort de Kadhafi restent troubles, il existe plusieurs versions de celle-ci. L'une serait que, pendant sa capture,il aurait reçu deux balles (une dans la tête et l'autre dans le ventre) lors d'un échange de tirs. Un autre estime qu'il aurait était tué après sa capture par des rebelles. Enfin, la dernière version serait qu'un agent français aurait abattu le colonel pendant sa capture. L'opération aurait été mise en place par Nicolas Sarkozy pour que Kadhafi garde le silence au sujet du financement de sa campagne. Mais il n'y a pas de preuve de ses allégations.

C. Le bilan

     Le bilan à la suite de l'intervention multinationale est affligeant. Les Libyens sont déçus du CGN (Congrès Général National) mis en place après la chute du gouvernement de Kadhafi. Il devait élaborer une nouvelle constitution et choisir un nouveau système politique, des engagements qui n'ont pas été respectés. Aujourd'hui, l'instabilité  règne au sein du pays. Les autorités libyennes sont impuissantes pour mettre fin à l'anarchie après la guerre civile et rétablir l'ordre. Des groupes islamistes et extrémistes, tel que les Frères musulmans, l'organisation Ansar Al-Charia et Al-Qaïda rassemblent les mouvements djihadistes en Libye, particulièrement à l'Est. Les milices s'affrontent. Des officiers libyens sont tués. Les groupes islamistes règnent dans certaines régions et font leur propre loi. De même, la circulation d'armes dans le pays freine énormément à la construction d'un nouvel État.

 

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